INTRIGUE COMMUNE ♣ fireworks king.

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Le doyen des habitants du village se tenait fin prêt devant les Springs Meadows, les prairies de l’île. L’eau était grandement descendue dans la journée et le soleil prévoyait de se coucher. Il était 22 heures et tous les habitants s’étaient assis sur l’herbe fraîche et humide, impatients de découvrir les feux d’artifice qui animaient l’île chaque année. Les touristes s’étaient parés de leurs appareils photos les plus compétents et un chapeau était dressé sur le haut de leur crâne. Les policiers étaient eux aussi de la partie, n’oubliant pas leur ceinture sur laquelle était accroché un revolver. Tout le monde était parsemé çà et là mais semblait regroupé autour du doyen, qui se languissait de démontrer ce qu’on avait préparé quelques jours auparavant.
A 22h20 précisément, le doyen s’effaça peu à peu, tout sourire, et leva les mains, montrant un ciel étoilé et sombre. Soudain, au plus grand étonnement de tous, un long feu d’artifice de couleur jaune fendit le ciel en deux, laissant ainsi les habitants ébahis par tant de beauté et de surprise. Les feux d’artifice se séparaient, chacun de leur côté, et semblaient monter toujours plus haut dans le ciel grisé. Des fontaines avaient été installées juste au-dessous du lieu des artifices et de l’eau coulait à flots vers le haut, accompagnant ainsi les feux d’artifice.

Le soleil venait à peine de se coucher. Des auréoles de couleur caramélisée apparaissaient à l’horizon, indiscernables parmi les flots marins. Glenn venait d’entrer dans la boutique d’Alisée, plongée dans la pénombre et éclairée par un seul lampadaire accroché au centre du commerce. La jeune femme à la chevelure brune étoffée avait échangé son uniforme de policier contre un pantalon en coton et un débardeur beige. Elle était prête à gravir les montagnes de l’île, tout en traversant le cœur du volcan. Alisée sortit de l’arrière-boutique et apparut, rayonnante, sous les yeux de Glenn. Cette dernière la toisa de haut en bas. Elle ne semblait pas vraiment habillée de telle sorte à explorer les moindres recoins sombres et étroits de l’île. « Prête pour aller visiter le cœur du volcan ? » s’exclama Glenn, ses yeux pétillant de malice. Alisée la scruta un instant avec ses yeux doux, s’assit sur un fauteuil en osier et hocha la tête négativement. Ses cheveux étaient noués en un magnifique chignon, maintenu par maintes barrettes qui menaçaient néanmoins de s’échapper à chaque instant. Elle traversa sa boutique, prit un dépliant sur lequel étaient représentés divers feux d’artifice et le tendit à la jeune policière. Cette dernière s’empara du prospectus, en lut le contenu et le jeta à sa camarade. « Prête pour aller voir les plus beaux feux d’artifice de tout l’univers ? » rétorqua Alisée, joviale. Glenn ôta la moue qui avait autrefois envahi son visage et opta pour un sourire rayonnant. Les deux filles prirent le temps de fermer la boutique puis de se diriger vers les prairies. Plus elles avançaient, plus Glenn remarquait qu’elle était la seule à être habillée comme elle l’était. Chacun s’était vêtu sur son 31, comme s’il s’agissait de la plus belle soirée organisée sur l’île. Glenn échappa un grondement sourd. Si elle avait su, elle ne se serait pas habillée en touriste (qu’elle n’était pas, de fait).
Les secondes défilèrent, les minutes passèrent mais les heures demeurèrent. Il était vingt-deux heures et le ciel restait sombre. Alisée et Glenn s’étaient installées sur l’herbe humide, étendues toutes deux en direction du nord. Elles ne parlaient pas mais leur silence n’était pas pesant. Il traduisait une amitié réciproque, qui préférait les gestes aux paroles. Une quinzaine de minutes plus tard, le doyen des habitants de l’île prit place sur l’estrade en bois posée à-même la pelouse verdoyante, qui avait été inondée durant la matinée. Il porta le micro à ses lèvres, ferma lentement les yeux avant des les rouvrir et déclara les feux d’artifice prêts. Tous les habitants, ainsi que les touristes et les forces de police étaient excités à l’idée de voir le ciel transpercé de rayons multicolores, de formes géométriques bouleversantes et de traits scintillants. « Tu n’en croiras pas tes yeux, c’est moi qui te le dis. » chuchota Alisée à l’oreille de son amie, triplant d’impatience.

Il était neuf heures du soir lorsque le facteur vînt toquer à la fenêtre de la boutique d'Alisée. Celle-ci s'apprêtait à fermer, elle allait partir. Le gentil jeune facteur, qu'elle n'avait jamais vu venait lui déposer un colis. Ici, les colis arrivaient à destinations le soir, c'était assez galère pour ce qui était des réceptions. Elle vînt ouvrir la porte puis signa le papier qu'il lui tendît, Alisée referma la porte derrière elle. Au passage elle ouvrir son boitier à lettre où elle y récupéra son courrier du matin qu'elle n'avait pas ouvert il y avait quelques lettres et un ou deux prospectus publicitaire. Elle retourna la pancarte « Ouvert » sur la vitrine et ne voulait pas être dérangée. Elle déposa le paquet sur la caisse, elle avait une vague idée de ce que cela contenait, mais ces derniers temps les commandes se faisaient à flots et elle ne savait même plus ce qui devait arriver. Elle déchira les deux kilomètres de scotch pour enfin pouvoir entrouvrir le carton bleu. C'était ce qu'elle espérait. Elle avait là huit tuniques tout spécialement faites à la main par une famille qui vivait à l'autre bout de l'île hors villes et tout type d'urbanisation. Faits avec du fil de coton, ces oeuvres devaient être bien vendues, mais aussi à un prix exigeant. Bien sûr Alisée avait promis cinquante pour-cent de ses recettes à cette pauvre famille.
Une fois ces affaires rangées, elle ouvrit son courrier, elle avait reçu la facture d'électricité et deux ou trois autres lettres administratives. Elle avait aussi reçu avec deux autres prospectus. L'un parlait des feux d'artifices qui se feraient dans les prairies ce soir. Elle l'avait déjà reçu deux fois. La ville déployait de sacré moyen de publicité pour cet évènement. L'autre publicité offrait les plaisirs d'une pizzeria qui ouvrait à deux rues de chez elle, elle s'en fichait pas mal. Lorsqu'elle eut terminé de ranger tout son bordel, la jeune femme s'assit dans sa chaise haute près de la caisse. Elle buvait son thé calmement en observant la rue qui s'assombrissait peu à peu.
Soudain, quelqu'un apparus devant la porte de la boutique, celle-ci n'hésita pas à entrer même si les passants voyaient la pancarte « Fermé » depuis la rue. C'était Glenn, Alisée était heureuse de la voir, elle savait qu'elles allaient passer la soirée ensemble, mais la jeune femme venait de changer de programme. « Prête pour aller visiter le coeur du volcan ? » Alisée se leva et relus rapidement le prospectus qu'elle venait de poser sur le meuble près de l'escalier. Puis elle le passa à Glenn. Avant qu'elle n'ait commencé, elle s'empressa de lui proposer « Prête pour aller voir les plus beaux feux d'artifice de tout l'univers ? » Glenn fut conquise, la soirée s'annonçait très bien.
Arrivées dans l'une des plaines, de nombreuses personnes étaient assis dans l'herbe, pleins de petits groupes formaient de nombreux points noirs dans l'obscurité. Les deux amies s'assirent et commencèrent à discuter. « Tu verras, c'est splendide, l'année dernière c'était époustouflant ! »

Les enfants s’étaient agenouillés au premier rang. Pour la première fois, leurs parents ne leur répétaient pas de ne pas salir leur nouvelle salopette écrue. Ils étaient en toute liberté, assis les uns à côté des autres, n’attendant qu’une chose : que le ciel soit parsemé de lumières. Les yeux écarquillés et émerveillés, ils demeuraient silencieux. Une fascination profonde s’était installée entre les habitants et les touristes. Un havre de paix dans la recherche des touristes, une trêve dans les divers conflits qui se maintenaient entre les touristes et les habitants de l’île. Le doyen fit un clin d’œil à tous les habitants, souleva son poing vers le ciel. Sa paume de main était abîmée mais sa dignité n’en était pas moins belle. Au lieu où son poing s’était levé, un feu d’artifice retentit. Il s’agissait de lignes fluorescentes à travers la nuit et le ciel étoilé. Les feux avaient des couleurs principales et majeures telles que le rouge, le jaune, et le vert. En bas des prairies avaient été installées des fontaines, d’où étaient projetés des feux de couleur orange. Le spectacle était à son sommet. Plus personne ne parlait, éberlué par leur propre silence et leur propre fascination. La chaleur s’était emparé de tous les corps ici présents, malgré la fraîcheur des nuits sur Orchid Palms. Personne ne semblait apte à communiquer, à exprimer son admiration pour ces artifices colorés et animés. A côté de la chaise du doyen se trouvait un banquet, où un plat de dinde et un saladier avaient été préparés. Mais le banquet resta inhabité. Personne ne pouvait le voir. Personne ne pouvait décoller les yeux de ce qui se passait dans les cieux. « Je t’avais prévenu que tu n’allais pas en croire tes yeux. » murmura Alisée, amusée par l’expression que portait Glenn sur son visage. Son regard se détacha du ciel et du doyen pour venir se poser sur la courbe de la silhouette d’Alisée. Elle ne distinguait pas entièrement son corps parmi la nuit mais elle connaissait si bien sa silhouette qu’elle aurait pu la reconnaître de si loin. Alisée s’apprêtait à applaudir l’introduction de ces feux d’artifice mais ce n’était pas terminé. Des feux d’artifice repartirent de plus belle, plus rapides et plus bruyants, cette fois. On entendait au loin les pleurs des bébés, apeurés, mais ils étaient vite tus par le silence effroyable des prairies. Le ciel demeura pendant quelques instants couvert de fumée et resta grisé. Le doyen s’empressa de remonter sur l’estrade, ne put s’empêcher de verser une larme en scrutant le ciel et salua les applaudissements des habitants et de ses proches. Il invita quelques médecins et les quelques personnes aux hautes fonctions à le rejoindre. Tous se pressèrent à ses côtés, arborant un sourire nominatif. « C’était génial, non ? » s’exclama Alisée, laissant son intonation divaguer. Elle savait très bien que Glenn l’approuvait silencieusement. Peut-être était-ce parce-qu’elle était sous le choc mais alors que quelques habitants s’éloignaient à pas feutrés, Glenn ne put se lever. Ses mouvements étaient démultipliés et son cerveau ne répondait plus. « Je … C’est déjà fini ? » demanda Glenn, balbutiant quelque peu et couvrant sa déception. Alisée secoua la tête et saisit la main de son amie, avant de l’entraîner loin du doyen. Elle agita la main en direction du doyen, pour le remercier, même si elle savait pertinemment qu’il ne la connaissait sûrement pas, ou mieux, qu’il ne l’avait même pas aperçue. « Les surprises ne sont pas finies, ne t'en fais pas ! » déclara la jeune femme, en rigolant, seule.